Face au protoxyde d'azote, des villes impuissantes en appellent à l'Etat
Les élus locaux confrontés au fléau multiforme du protoxyde d'azote, dont le risque de drames routiers, multiplient les arrêtés pour interdire sa consommation dans l'espace public. Mais face à une démarche qui a ses limites, ils en appellent à l'Etat.
Surnommé "gaz hilarant" et utilisé à des fins industrielles, il est régulièrement détourné à des fins récréatives, non sans risque.
Car parmi ses effets secondaires, le protoxyde d'azote peut notamment entraîner la perte de contrôle de ses consommateurs, comme par exemple début novembre à Lille, où Mathis, un jeune homme de 19 ans, a été mortellement percuté par un automobiliste ayant consommé ce gaz et fuyant la police.
Depuis plusieurs années, les villes tentent pourtant de prévenir ces drames en encadrant, tant bien que mal, la consommation de ce qu'elles considèrent souvent comme "un fléau".
Orléans, par exemple, comme Cannes, Lyon ou Roubaix avant elle, s'apprête à signer mercredi un nouvel arrêté pour notamment interdire sa consommation sur l'espace public et restreindre désormais sa vente, à l'exception des professionnels.
"Cet arrêté nous aidera à mieux protéger les jeunes", a espéré son maire Serge Grouard (DVD), déplorant des "conséquences qui peuvent être dramatiques".
- "Fléau" -
Une mesure similaire a été récemment renouvelée par la maire socialiste de Dijon, Nathalie Koenders, pour tenter de répondre à un "vrai problème de santé publique".
"Il n'y a pas de petites villes, grandes villes, moyennes villes", a-t-elle estimé auprès de l'AFP. "On est tous confrontés" à cette situation, "qu'il faut traiter par la sanction, mais aussi par la prévention".
Des initiatives locales qui semblent pourtant bien insuffisantes, devant cette consommation détournée. Plusieurs villes appellent de leurs vœux une évolution législative.
"Le phénomène relève du fléau, mais pas que dans Lille", pointe en ce sens le maire socialiste Arnaud Deslandes, pour qui la conduite sous emprise du protoxyde d'azote doit être considérée "comme une circonstance aggravante".
Citant 431 verbalisations en cinq mois et des "consommateurs qui font un shot de protoxyde et prennent la voiture", M. Deslandes juge que "c'est pour ça qu'il faut d’abord que la loi évolue".
Une position partagée par la maire de Dijon, Mme Koenders. "C'est important qu'il y ait une législation au niveau national" autour de sa mise à disposition, a-t-elle insisté, suggérant même qu'il faille "l'interdire tout court".
Le ministre de l'Intérieur Laurent Nuñez, lors d'un déplacement dans le Nord après la mort du jeune Mathis, avait lui-même reconnu qu'il faudrait "un moment s'interroger sur une modification des règles législatives sur la vente de ce type de produits".
- "Peur de rien" -
En pratique, et malgré les arrêtés, les consommateurs parviennent à s'en procurer "facilement", majoritairement sur internet ou via des vendeurs contactés sur les réseaux sociaux.
Jules, dont le prénom a été modifié, âgé de 23 ans, a reconnu auprès de l'AFP consommer du protoxyde d'azote depuis quatre ans, "au moins une fois par mois" et surtout sans être gêné pour s'en fournir. Malgré "quelques pertes de connaissance", grâce au protoxyde d'azote, "tu te mets en danger sans avoir peur de rien".
"Est-il normal que nous n'ayons pas une loi qui permette d'endiguer le fléau avec des sanctions plus fortes et plus claires ?", s'est interrogé le maire de Nice Christian Estrosi (Horizons).
Le Sénat a voté en mars la pénalisation de l'usage détourné du protoxyde d'azote, sans aller toutefois jusqu'à interdire totalement sa vente aux particuliers, comme l'avaient fait auparavant les députés. L'avenir de cette loi dépendra des négociations entre les deux chambres.
Un autre combat, après la promulgation en juillet de la loi créant le délit d'homicide routier, au terme d'une bataille de plusieurs années des familles et associations de victimes.
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Z.Bianchi--IM