Ourse tuée dans les Pyrénées: le chasseur fait appel de sa condamnation à de la prison avec sursis
Le chasseur qui avait accidentellement tué l'ourse Caramelles lors d'une battue illicite dans les Pyrénées en 2021 a été condamné mardi à quatre mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel de Foix, et a aussitôt annoncé faire appel de la décision.
Contre les quinze autres chasseurs ayant participé à la battue dans la réserve du Mont-Vallier, située au-dessus du village de Seix, en Ariège, le tribunal a prononcé des peines d'amendes de quelques centaines d'euros et, pour deux d'entre eux, une suspension temporaire du permis de chasse.
Les seize chasseurs devront collectivement verser près de 90.000 euros aux associations défendant la présence de l'ours dans les Pyrénées, constituées partie civile, au titre du préjudice moral et écologique.
"L'appel a été relevé instantanément", a annoncé Charles Lagier, l'avocat de l'auteur du tir. "Le combat judiciaire doit continuer, car le tribunal de Foix n'a pas pris en compte l'existence non régulière de la réserve de chasse du Mont Vallier. (...) Mon client s'est simplement défendu, c'était lui ou l'ours. Il a évoqué l'état de nécessité", a-t-il dit à l'AFP.
- Sanctions "déraisonnables" -
Et puis, regrette Me Lagier, "les dommages et intérêts accordés aux parties civiles sont déraisonnables concernant des chasseurs aux revenus modestes, souvent retraités".
L'avocate de quatorze des chasseurs, Fanny Campagne, a mis aussi en doute "la légalité de la constitution de la réserve" où est survenu l'accident de chasse et dénonce "l'absence de signalisation de l'interdiction de chasse".
Elle ne s'est pas prononcée sur un éventuel appel.
Après le prononcé du jugement, les chasseurs, qui espéraient la relaxe, ont quitté le tribunal de Foix sans faire de déclaration.
Pour l'association Pays de l'ours, qui participe avec l'Office français de la biodiversité (OFB) au suivi de l'ours, le délibéré est "justifié".
"Tous les chasseurs ont été reconnus coupables, c'est le plus important pour nous. Le tribunal a établi des manquements", a réagi Sabine Matraire, la présidente de l'association, qui réclame de nouveaux lâchers d'ours, estimant que la population ursine n'est pas encore viable.
- "Prise de conscience" -
"On espère que ce jugement sera suivi d'une prise de conscience dans le milieu de la chasse", a-t-elle dit en sortant du tribunal.
Lors du procès, les 18 et 19 mars, le chasseur de 81 ans avait admis avoir ouvert le feu sur l'ourse de 150 kg, accompagnée de deux oursons, en état de "légitime défense".
"Elle m'a attrapé la cuisse gauche, j'ai paniqué et j'ai tiré un coup de carabine. Elle a reculé en grognant, elle m'a contourné et m'a mordu le mollet droit, je suis tombé, elle me bouffait la jambe, j'ai réarmé ma carabine et j'ai tiré. Elle est morte cinq mètres plus bas", a-t-il relaté.
Outre la peine de quatre mois de prison avec sursis, le tribunal l'a également condamné à 750 euros d'amende, à la confiscation de son fusil de chasse et au retrait du permis de chasse.
En 2008, un autre chasseur avait été jugé pour avoir abattu une ourse dans les Pyrénées-Atlantiques quatre ans plus tôt. Relaxé en première instance, il avait été condamné en appel à indemniser diverses associations de protection de la nature à hauteur de 10.000 euros.
L'association de chasse à laquelle il appartenait avait été condamnée à 53.000 euros de dommages et intérêts pour la mort de Cannelle, la dernière ourse de souche pyrénéenne.
Caramelles et Cannelle ont été naturalisées et sont aujourd'hui visibles au muséum d'Histoire naturelle de Toulouse.
Menacée d'extinction au début des années 1990, la population d'ours bruns s'est ensuite considérablement développée dans les Pyrénées grâce à un programme de restauration de l'espèce, incluant des lâchers d'ours venus de Slovénie.
D'après l'OFB, qui a formellement identifié 96 ours sur la base d'empreintes génétiques au cours de l'année 2024, le massif montagneux compte désormais entre 97 et 127 individus.
Si les divergences de vue sont nombreuses entre chasseurs et écologistes, les parties civiles reconnaissaient le caractère accidentel du tir mortel, tout comme l'accusation.
Mais, a souligné le procureur au procès, le chasseur octogénaire "a pris sciemment le risque d'une confrontation avec l'ourse dans la réserve, qui est une zone de quiétude" pour cet animal.
R.Abate--IM