

Israël: l'énergie solaire, nouvel atout des Bédouins pour garder leurs terres
Au bout d'un chemin poussiéreux, au bout d'un village de maisons inachevées surplombées par le dôme brillant d'une mosquée, un champ de panneaux solaires scintille sous le soleil brûlant du désert.
Tirabin al-Sana, foyer de la tribu bédouine Tirabin dans le désert du Néguev en Israël, bénéficie du projet pilote d'une ONG israélienne, Shamsuna, qui équipe des villages de cette communauté en panneaux solaires.
Descendants de bergers musulmans qui parcouraient autrefois librement les étendues désertiques bien au-delà des frontières actuelles d'Israël et des Territoires palestiniens, les Bédouins vivent principalement dans le sud du pays et nombre d'entre eux sont dans les rangs de l'armée ou la police.
Mais les organisations de défense des droits documentent régulièrement, comme pour d'autres minorités arabes du pays, des discriminations à leur encontre.
Aussi le projet de panneaux solaires a plusieurs enjeux: économiques et environnementaux, mais aussi fonciers puisque de nombreux villages bédouins n'ont aucune existence légale.
Pour leurs habitants, contraints à batailler pour leurs terres, participer au projet est un moyen de "garantir leurs droits fonciers pour toujours", met en avant Yosef Abramowitz, coprésident de l'ONG Shamsuna, à l'AFP.
La délivrance des permis pour l'installation des panneaux solaires dépend en effet de la légalisation de la propriété des terres sur lesquels ils sont installés, en tant que parties du village auquel elles sont rattachées.
"C'est la seule façon de résoudre la question foncière bédouine et d’assurer une énergie 100% renouvelable", affirme M. Abramowitz.
Le projet, pour le moment limité, permet aussi de créer des emplois locaux et de promouvoir une énergie moins chère. L'électricité produite est injectée dans le réseau national.
- Reconnaissance foncière -
Environ 300.000 Bédouins vivent dans le désert du Néguev, dans le sud d'Israël, dont la moitié dans des villages reconnus par les autorités israéliennes, comme Tirabin al-Sana.
Quelque 110.000 personnes résident dans des villages non reconnus officiellement par le gouvernement.
Des groupes d'extrême droite, parfois soutenus par le gouvernement actuel du Premier ministre Benjamin Netanyahu, ont intensifié leurs efforts ces deux dernières années pour les chasser, notamment en lançant des procédures juridiques pour faire détruire des habitations, quand elles sont reconnues comme construites illégalement.
"Depuis 2023, plus de 8.500 bâtiments ont été démolis dans ces villages non reconnus", a déclaré Marwan Abou Frieh, de l'organisation d'aide juridique Adalah, lors d'une récente manifestation à Beersheva, la plus grande ville du Néguev.
"Dans ces villages, des milliers de familles vivent désormais sans toit au dessus de leur tête", a-t-il ajouté, décrivant la situation comme inédite depuis deux décennies.
Pour Gil Yasur, qui travaille également avec Shamsuna, "tout le monde bénéficie" du projet solaire, "les propriétaires, le pays, le Néguev". "C'est la meilleure façon d'avancer vers une économie verte", ajoute-t-il.
- Energie positive -
A Um Batin, un village reconnu, les habitants utilisent eux l'énergie solaire pour alimenter en électricité un jardin d'enfants, surmonté d'un immense panneau solaire, tout au long de l'année.
Jusqu'à l'an dernier, le village dépendait d'un générateur diesel polluant.
"Ce n'était ni propre ni confortable ici avant", explique Nama Abou Kaf, qui travaille sur place.
"Maintenant, nous avons la climatisation et un projecteur pour que les enfants puissent regarder la télévision", explique-t-elle.
Malgré les défis et la bureaucratie, Hani al-Hawashleh, qui supervise le projet dans le village, et dans plusieurs autres localités, pour l'ONG Shamsuna, dit espérer que d'autres établissements éducatifs suivent l'exemple.
"Nous avons besoin de personnes prêtes à collaborer avec nous pour aller de l'avant", a-t-il dit, ajoutant qu'il "aimerait voir un système d’énergie solaire dans chaque village".
B.Agosti--IM