

A la frontière du Pakistan, le lent et prudent retour à la vie de Poonch
Le bruit des canons résonne encore dans leur tête mais ils n'ont pas pu attendre. Les habitants de la ville indienne de Poonch ont commencé dimanche à regagner leur maison, quelques heures seulement après le cessez-le-feu.
Tariq Ahmad n'a pas eu de mal à faire le plein de son bus. Ce matin, il a ramassé 20 candidats au retour dans les villages environnants et les a déposés à la gare routière, impatients.
"La plupart de ceux qui ont fui ont toujours peur et auraient notamment attendu de voir si la trêve tenait", note le chauffeur de 26 ans. "Mais il faut bien nourrir sa famille", ajoute-t-il, "alors j'ai décidé de ressortir mon bus".
Posée le long de la "ligne de contrôle", la frontière de facto qui sépare l'Inde du Pakistan, Poonch s'est vidée de l'immense majorité de sa population dès que les premiers obus sont tombés.
Mercredi matin, l'artillerie pakistanaise a commencé à pilonner la ville après les frappes indiennes ordonnées en représailles à l'attentat qui a tué 26 civils le 22 avril dans le Cachemire indien, à seulement 200 km plus à l'est.
Jusqu'à la trêve surprise annoncée samedi, les tirs se sont succédé nuits et jours.
Leur bilan est lourd. Au moins 12 habitants tués, 49 autres blessés, de nombreuses maisons détruites et une population traumatisée.
Ce dimanche matin, Hazoor Sheikh, 46 ans, a été l'un des premiers à relever le rideau de fer de son magasin, au cœur du marché municipal.
"On a enfin pu dormir tranquillement cette nuit", se réjouit le commerçant. "Ce n'est pas que moi ou ceux de ma famille, mais tout le monde a retrouvé le sourire depuis hier".
Avec quelques milliers d'autres - la ville compte près de 60.000 habitants - Hazoor Sheikh est resté sous les bombes avec sa femme et ses trois enfants. "Tout le monde n'a pas eu la volonté ni les moyens de partir", explique-t-il.
- "Revenir et se revoir" -
Dans les allées étroites du marché, d'autres échoppent ont timidement rouvert.
"Je viens juste de revenir en ville pour vérifier dans quel état se trouve mon magasin", dit Mushtaq Qureshi, 40 ans. "On remercie Dieu pour l'annonce inattendue d'hier", poursuit-il, "on est content d'être de retour et de se revoir".
Le commerçant a eu de la chance. La grande maison qu'il a quittée précipitamment avec la vingtaine de membres de sa famille élargie a miraculeusement échappé aux bombes.
"Beaucoup de bâtiments du quartier ont été touchés mais le nôtre n'a pas souffert", lâche-t-il avec un grand soupir de soulagement.
A Poonch, le cessez-le-feu a également donné le coup d'envoi des retrouvailles familiales.
Rita Sharma, 51 ans, attend avec impatience de serrer à nouveau dans ses bras ses cinq enfants, qu'elle s'est empressée de mettre à l'abri dans sa famille sitôt les hostilités engagées.
"Hier, ils ont été les premiers à nous appeler après l'annonce de la trêve pour nous dire qu'ils rentreraient à la maison dès ce soir", sourit-elle. "J'espère que ça va rester calme".
En première ligne pendant quatre jours, certains habitants en doutent.
RLes quelques incidents armés survenus la nuit dernière quelques heures à peine après le début de la trêve ont rappelé à tous la fragilité de la situation. Et quelques exemples passés.
"Chaque fois que l'Inde a signé un accord pareil, le Pakistan a fini par le rompre", relève Hafiz Mohammad Shah Bukhari, 49 ans.
"Et ce sont toujours nous, les gens de la frontière qui en souffrent et finissent par tout perdre", continue-t-il. "Alors aujourd'hui, je prie Dieu pour qu'il accorde au Pakistan, cette fois, la sagesse de ne pas renier ses promesses..."
Z.Bianchi--IM