Le sumo japonais restera-t-il inébranlable face à la première femme Premier ministre?
La Première ministre japonaise montera-t-elle sur le "ring"? Le monde du sumo pourrait être ébranlé ce mois-ci si Sanae Takaichi remettait un trophée sur le dohyo, monticule de terre où se déroulent les combats, et où les femmes ont interdiction de poser le pied.
Voici ce qu'il faut savoir sur cette tradition japonaise et les précédentes tentatives par des femmes de renverser ce tabou.
- Quelle est cette tradition?
Les origines du sumo, né de rites religieux shinto, remontent à plus de 2.000 ans, selon certains historiens. L'interdiction pour les femmes de monter sur le dohyo trouve son origine dans la croyance selon laquelle le sang menstruel souillerait sa pureté.
Le vainqueur de chaque tournoi de sumo professionnel, qui ont lieu six fois par an au Japon, se voit remettre la "Coupe du Premier ministre".
Ce trophée en argent est habituellement remis par un membre du gouvernement japonais, mais il arrive que le Premier ministre monte lui-même sur le dohyo pour le remettre.
En 2019, le président américain Donald Trump, en visite au Japon, avait présenté la coupe au vainqueur.
L'accession aux responsabilités de Mme Takaichi, devenue en octobre la première femme Premier ministre du Japon, interroge sur l'avenir de cette tradition.
- Y a-t-il des précédents?
Le sumo amateur compte bien des catégories féminines mais le sumo professionnel, pratiqué uniquement au Japon, est réservé aux lutteurs masculins.
En 1990, Mayumi Moriyama, première femme - et la seule à ce jour - à occuper le poste de secrétaire général du gouvernement nippon, a émis le souhait de remettre la coupe, mais a essuyé un refus de la part de l'Association japonaise de sumo (AJS).
Dix ans plus tard, la gouverneure d'Osaka, Fusae Ota, s'est également vu opposer un refus.
En 2018, lors d'une tournée régionale des lutteurs de sumo, le maire d'une ville a perdu connaissance alors qu'il prononçait un discours sur le dohyo. Deux femmes présentes sur place se sont précipitées sur le monticule d'argile pour lui porter secours mais un responsable leur a intimé l'ordre d'en redescendre.
L'AJS a plus tard présenté ses excuses pour cette "réponse inappropriée dans une situation de vie ou de mort".
Quelques jours plus tard, une femme maire d'une autre ville étape de la tournée a dû prononcer son discours sur une petite estrade distincte du dohyo.
- Qui est Sanae Takaichi?
La Première ministre japonaise est une personnalité aux positions nationalistes qui se rend régulièrement au sanctuaire shinto de Yasukuni, considéré comme un symbole du passé militariste du Japon.
Conservatrice sur les sujets de société, elle s'oppose notamment à la révision d'une loi du XIXe siècle qui exige des couples mariés qu'ils partagent le même nom de famille, généralement celui de l'homme.
Elle soutient une succession impériale réservée aux hommes, et n'a nommé que deux femmes à son gouvernement, malgré sa promesse d'un équilibre entre les genres "à la scandinave".
- Les choses vont-elles changer?
Jusqu'à présent, Mme Takaichi ne s'est pas exprimée sur la remise du trophée de sumo.
Et le secrétaire général du gouvernement nippon Minoru Kihara, interrogé cette semaine sur les intentions de la dirigeante à cet égard, a répondu qu'aucune décision n'avait été prise.
"La Première ministre Takaichi souhaite préserver les traditions de la culture du sumo", a-t-il ajouté.
L'AJS est également restée discrète sur cette question, se bornant à déclarer qu'elle considérait de son "devoir de préserver la culture traditionnelle du sumo".
Le tournoi de sumo actuellement en cours à Fukuoka, dans le sud-ouest du pays, doit se terminer le 23 novembre.
Z.Bianchi--IM