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Evolution : le cloaque des poissons a donné l'idée à nos doigts de pousser
Evolution : le cloaque des poissons a donné l'idée à nos doigts de pousser / Photo: Andreas SOLARO - AFP/Archives

Evolution : le cloaque des poissons a donné l'idée à nos doigts de pousser

Comment l'évolution en est-elle venue à faire pousser des doigts ? Une étude révèle que leur origine est à chercher au sein du cloaque des poissons, l'organe regroupant les systèmes intestinal, excréteur et reproducteur.

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Le cloaque plutôt que les nageoires ? L'idée à de quoi étonner, car depuis 30 ans, les gènes nécessaires à la fabrication de nos doigts sont connus, et sont les mêmes que ceux ayant permis le développement des nageoires des poissons. Mais les gènes ne sont que des ouvriers qui obéissent à des ordres... Alors, qui a donné l'ordre ?

Dans le génome, il existe d'immenses morceaux d'ADN dont la fonction est de décider du fonctionnement de chaque gène. "Quand est-ce qu'on l'active ? Quand est-ce qu'on l'arrête ? Est-ce qu'on en met plus ? Est-ce qu'on en met moins ? C'est ce qu'on appelle une région régulatrice", développe auprès de l'AFP Denis Duboule, professeur au Collège de France et professeur honoraire à la Faculté des Sciences de l'université de Genève.

Il est le co-auteur d'une étude publiée mercredi par la revue Nature, qui cherche à comprendre comment les poissons ont évolué pour, il y a près de 400 millions d'années, commencer à sortir de l'eau et coloniser la terre ferme, en devenant des vertébrés avec des doigts.

Cette équipe internationale pilotée par l'université de Genève (UNIGE), avec l'Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, le Collège de France et les universités de Harvard et de Chicago, a d'abord repéré une région régulatrice commune aux poissons et aux souris, à l'origine du développement des nageoires et des membres des souris.

Puis, pour la première fois, ils ont été en mesure de l'ôter à leur génome.

Cela a été rendu possible par le développement de la technique de CRISPR/Cas9, sorte de ciseaux moléculaires permettant l'édition d'un génôme, qui a valu à la Française Emmanuelle Charpentier et à l'Américaine Jennifer Doudna le prix Nobel de chimie en 2020.

"On a enlevé cette grande région de l'ADN du poisson, et on n'a rien vu comme conséquence pour les nageoires", explique Denis Duboule. "Pourquoi cette région est là si, quand on l'enlève, elle ne fait rien dans la nageoire ? En fait, on s'est aperçu qu'elle enlevait l'expression de ces gènes dans le cloaque".

Autrement dit, une région régulatrice du génome, initialement dédiée à la formation du cloaque des poissons, a été recyclée par l'évolution pour guider le développement des doigts chez les vertébrés terrestres.

"C'est un nouveau niveau de régulation qui a été recyclé", soulignent les chercheurs, ouvrant la voie à de nouvelles recherches et interrogations quant aux mécanismes de l'évolution.

"Le point commun entre le cloaque et les doigts est qu’ils représentent des parties terminales. Parfois la fin de tubes dans le système digestif, parfois la fin des pieds et des mains, soit les doigts. Tous deux marquent donc la fin de quelque chose", explique Aurélie Hintermann, ex-doctorante à l'UNIGE désormais post-doctorante à l'Institut Stowers (USA) et co-autrice de l'étude réalisée dans le cadre de son doctorat.

"Quand nos ancêtres, les grands poissons, ont commencé à coloniser le milieu terrestre - le début de notre aventure - ces doigts sont apparus car il y avait un terrain sur lequel l'évolution a pu jouer pour pouvoir démarrer ces gènes dans la partie la plus distante, les nageoires, et ça a fait des doigts", conclut le professeur Duboule.

R.Marconi--IM